Vendredi 20 janvier 2017
Blogue écrit par Anthony Cotter
Ce blogue est basé sur le document Valuing ecosystem services in the Columbia River Treaty, il fait partie des exigences à l’obtention du grade de Master of Public Policy. Ce projet de recherche a été soutenu par le Réseau de recherche de l’Institut pour l’Intelliprosperité (anciennement Prospérité durable).
Un promoteur immobilier valorise une zone humide par le prix qu’il pourrait avoir en construisant des logements et les revendant sur le marché.
Mais qu’elle serait le prix pour une communauté qui tire son eau potable d'un lac voisin, où l'eau est filtrée et purifiée par la zone humide ? Dans ce cas, la valeur du terrain serait équivalente au coût de la construction d'une nouvelle installation de traitement de l'eau, ce qui serait nécessaire si la zone humide devait disparaître.
Les écosystèmes offrent de nombreux services à notre société, mais ces services ne sont pas souvent évalués lorsque nous prenons en compte les coûts et les avantages du développement urbain.
Dans le bassin du Columbia, une superficie de terre équivalente à la taille de la France chevauche la frontière entre les États-Unis et le Canada. La définition de la valeur des services écosystémiques joue un rôle important pour déterminer l'avenir d'une rivière qui est un moteur économique du Pacifique Nord-Ouest.
Le Canada (représenté par la Colombie-Britannique) et les États-Unis gèrent ensemble le fleuve Columbia en vertu de l’accord du Traité du fleuve Columbia. Actuellement, en contrepartie de l'électricité livrée à la frontière, la Colombie-Britannique exploite ses barrages afin de prévenir des inondations aux États-Unis et d'optimiser la valeur de l'hydroélectricité générée aux États-Unis.
Le Traité est en cours de révision afin de trouver des améliorations possibles. Les États-Unis veulent réduire de façon significative le rendement des avantages énergétiques dont la valeur actuelle avec le Canada varie entre 100 et 150 millions de dollars par an. L'accord initial de lutte contre les inondations expire en 2024. Il peut-être renégocié ou remplacé par une disposition ad hoc de lutte contre les inondations beaucoup plus limitées.
Pourtant, les États-Unis reçoivent beaucoup d'autres avantages par les mesures prises grâce au Canada. La gestion de l'eau au Canada se traduit par des populations de poissons en meilleure santé et plus robustes, une plus grande quantité d'eau disponible pour l’agriculture, des réservoirs plus stables pour la navigation et les bateaux de plaisance, ainsi que des rivières plus élevées pour transporter des marchandises et des services vers l'intérieur des États-Unis.
De plus, le Canada fait face à des coûts importants pour fournir des améliorations aux services destinés aux États-Unis. Par exemple, le niveau d'eau du réservoir Arrow Lakes augmente et diminue de 40 pieds chaque année. Cette fluctuation affecte négativement l’industrie des loisirs et la vie animale et végétale autour du réservoir durant la nuit.
Dans mes recherches, j'estime que la valeur des avantages supplémentaires dont les Américains bénéficient est d'environ 200 à 700 millions de dollars par année. Les principales sources de cette valeur sont la lutte contre les inondations (75 millions de dollars), l'hydroélectricité (25 à 400 millions de dollars), le poisson (100 millions de dollars), l'agriculture (15 à 55 millions de dollars) et le secteur des loisirs (10 millions de dollars). Pour une explication détaillée des méthodes d'évaluation économique que j'ai employées dans cette étude, voir le chapitre trois de mon article – Disponible ici.
Cette estimation n'inclut pas la valeur des loisirs non liés au secteur de la pêche, de la navigation, de la qualité de l'air, de la qualité de l'eau ou d'autres services écosystémiques, qui sont probablement supérieurs à zéro. La valeur passive ou non utilisée dans le cadre de la pêche au saumon et à la truite arc-en-ciel se décrit par le profit que les gens tirent de l'existence d’un bien plutôt que de la consommation. Celui-ci est évalué à environ 90 millions de dollars.
D'autre part, j'estime que les coûts pour le Canada sont d'environ 25 à 40 millions de dollars (2016) par an. Il s'agit des coûts estimés que le Canada doit fournir pour améliorer ses services aux États-Unis en préconisant des améliorations similaires en amont des services écosystémiques qui pourraient être obtenues si les ressources en eau canadiennes étaient gérées de façon à maximiser les services écosystémiques canadiens.
Les principales sources de cette valeur sont l'hydroélectricité (20 millions de dollars), le poisson et la faune (6 à 30 millions de dollars), l'agriculture (1 à 2 millions de dollars), la qualité de l'air (1 million de dollars) et d'autres services écosystémiques (2 millions de dollars). Par exemple, si le traité devait prendre fin, BC Hydro estime que le Canada pourrait produire 22 millions de dollars de plus en termes de retombées énergétiques. De même, les données sur les mesures du rendement liées au poisson indiquent que la résiliation du traité aurait un effet généralement positif sur la population de poissons du bassin canadien.
Ces valeurs sont considérables et de nombreux experts s'attendent à ce qu'elles augmentent alors qu'un climat changeant entraîne un approvisionnement en eau plus rare et moins prévisible dans le bassin.
Dans mon rapport, je recommande aux gouvernements du Canada et des États-Unis d'intégrer la valeur des services écosystémiques aux renégociations des traités afin d'ajuster les paiements au fil du temps, et ce, au besoin. J’élabore également certaines méthodologies précises pour mesurer ces valeurs.
Je me fonde sur des exemples concrets d'endroits où des paiements pour les services écosystémiques ont été adoptés, tels que la conservation des forêts au Costa Rica pour illustrer les problèmes auxquels les parties prenantes pourraient faire face afin d’intégrer ces valeurs et proposer des moyens d'atténuer les défis.
Anthony Cotter est diplômé de l'Université Simon Fraser depuis octobre 2016. Après un stage d'été à l'Agence internationale de l'énergie à Paris, il continue de travailler sur les questions liées à l'énergie et à l'environnement à titre d'analyste des politiques à Ressources naturelles Canada à Ottawa..